top of page

École Française de 1830

Boissy d’Anglas saluant la tête du député FERAUD

École Française de 1830

Boissy d’Anglas saluant la tête du député FERAUD

Huile sur toile
60 x 92 cm
1830



Après la Révolution de Juillet, les travaux de décoration du Palais-Bourbon sont suspendus.

Le chantier est relancé par l’arrêté du 25 septembre 1830 qui organise un Concours pour la commande de trois tableaux destinés à orner la Salle des Séances de la Chambre des Députés.

Guizot, alors ministre de l’intérieur, est à l’origine du programme iconographique, extrêmement précis. Les sujets sont sélectionnés avec grand soin : ils doivent à la fois constituer des exemples de vertu pour les députés et légitimer le nouveau régime.

Au centre devait figurer Louis-Philippe prêtant serment à la charte constitutionnelle le 9 aout 1830, et, de chaque coté, La séance de l’Assemblée constituante le 23 juin 1789 au moment où Mirabeau répond au Maître des Cérémonies qui prie l’Assemblée de se séparer : « allez dire à votre maître que nous sommes ici par l’ordre du peuple et nous n’en sortirons que par la puissance des baïonnettes » et Boissy d’Anglas, président de la Convention Nationale, saluant la tête du député Féraud que les révoltés du 1er prairial an III lui présentent en le menaçant.

Les trois sujets devaient être jugés séparément par un jury constitué de quinze membres. Certains artistes présentèrent des esquisses pour plusieurs sujets. Il y eu vingt-six concurrents pour le premier tableau, trente-huit pour le deuxième et cinquante-trois pour le troisième qui nous concerne. Après clôture du concours le 1er avril 1831, sur les cinquante-trois concurrents, treize furent préselectionnés : Vinchon, Court, Lami, Caminade, Thomas, Lethière, Shoppin, Durupt, Tassaert, Harlé, Delacroix, Jollivet, Goyet.

Pour entourer Louis-Philippe, Guizot choisit l’action héroïque de deux députés : Mirabeau résistant au roi et Boissy d’Anglas résistant au peuple. Boissy d’Anglas est symbole de courage face à la révolte populaire. Lors de l’envahissement de la Convention le 1er prairial an III (20 mai 1795) par le peuple qui réclamait « du pain et la constitution de 1793 », Féraud, député des Hautes Pyrénées, s’opposa à l’émeute. Dans la mêlée, il fut abattu d’un coup de pistolet et sa tête tranchée fut présentée au bout d’une pique au président de séance, Boissy d’Anglas, qui resta imperturbable et évita ainsi la dissolution de l’assemblée.

La destination des œuvres, la Chambre des Députés, est loin d’être la seule raison du choix des sujets, deux épisodes de l’histoire législative française. Le but de ces trois tableaux indissociables, de ce triptyque est pédagogique. Représenter Louis-Philippe entre Mirabeau et Boissy d’Anglas avait une signification très précise. C’était faire du roi des Français non seulement le garant du bon fonctionnement de l’Assemblée Nationale mais, plus encore, l’héritier de la Révolution, d’une certaine Révolution.

Ce programme si précis à finalité politique fut un handicap pour beaucoup d’artistes qui ne comprirent pas ce que l’on attendait d’eux. Les résultats du concours mécontentèrent. Le choix du jury fut contesté : Coutan fut désigné pour le premier tableau, A. Hesse pour le deuxième (Mirabeau) et Vinchon pour le troisième (Boissy d’Anglas). Aucun artiste de la nouvelle école romantique ne fut choisit. Si les esquisses de Delacroix, et particulièrement Boissy d’Anglas Saluant la tête du député Féraud unanimement appréciée lors de l’exposition, ne furent pas retenues, c’est non en raisons des opinions républicaines de Delacroix ou parce que son art était novateur mais bien parce qu’il n’avait pas scrupuleusement respecté le programme iconographique.

Tant pour Mirabeau que pour Boissy d’Anglas, on retint les esquisses qui donnaient une description précise de la Salle des Séances de l’Assemblée Nationale (la Salle des Menus Plaisirs à Versailles devenue Salle des Etats Généraux ; la Salle des Séances de la Convention Nationale aux Tuileries) et qui privilégièrent la galerie de portraits et la description précise de l’attitude du héros. Le choix de la composition de Vinchon pour Boissy d’Anglas saluant la tête du député Féraud est révélateur. La critique préféra l’œuvre de Court parce qu’il avait su donner de fidèles portraits des protagonistes et avait mis l’accent sur la variété des expressions, le réalisme des physionomies. Si Vinchon obtint finalement la majorité des suffrages, c’est parce qu’il avait su rendre parfaitement « la résistance calme du héros » en inventant une anecdote supplémentaire qui met encore en valeur le stoïcisme du président de l’Assemblée Nationale : un révolté ayant arraché la tête de Féraud de dessus la pique qui la portait pour la mettre près du visage du président.



Notice extraite de la revue du Louvre – n°2-1987 – p 128 à 135, par Marie-Claude Chaudonneret



Sur notre tableau, la tête du député n’est plus présente, la toile ayant été amputée de ce morceau de peinture devenu probablement trop dérangeant pour les générations suivantes.

bottom of page